4 février 2020
Crédit : Lele O
Performeuse érotique, Lélé O est aussi la co-créatrice du Podcast VOXXX. VOX comme la voix en latin, XXX comme le sexe, pur et dur. Entre la pratique de la pleine conscience et les « Jerk Off Instructions » du porno, ce podcast invite à des séances de masturbation guidée, imaginées pour le sexe féminin, en utilisant l’audio pour laisser plus de place aux fantasmes. S’inscrivant dans la dynamique de libération de la parole autour du plaisir féminin et défendant l’amour de soi à travers l’exploration de son intimité, VOXXX ouvre une nouvelle fenêtre dans l’univers de l’érotisme féminin. Lélé nous a parlé de ce porno intelligent et tendre qu’elle promeut, de son parcours, de ses projets et de ce qui l’inspire.
Lélé, tu es performeuse érotique et co-créatrice du Podcast VOXXX avec Olympe de G. Peux-tu nous parler de ton parcours et de ce qui t’a amenée à créer ce Podcast ?
J’ai commencé la performance érotique parce que c’était un peu thérapeutique pour moi. J’avais une relation complexe avec les hommes, j’avais été beaucoup déçue, j’avais envie de montrer des choses moi et de prendre un peu le pouvoir tout en étant en sécurité derrière mon écran. Et j’ai eu tellement de commentaires sympa et de discussions que les choses se sont développées. J’ai commencé à utiliser davantage ma voix et, au-delà du caractère personnel de ma démarche initiale, mes vidéos sont devenues très bienveillantes envers les hommes. Olympe de G. a demandé conseil à Canal Plus parce qu’elle cherchait quelqu’un pour faire un porno audio et Le journal du hard m’avait repérée. On s’est rencontrées, on a fait ce porno audio et, autour d’une pizza un soir de l’été 2018, on s’est dit que ce serait super de poursuivre ce travail autour de l’audio. On a eu envie de développer ce que je faisais en vidéo pour les hommes, le « Jerk Off Instruction », c’est-à-dire les instructions pour la masturbation, mais en audio pour les femmes. On s’est dit que les femmes en auraient peut-être envie et besoin. Et c’est là que VOXXX est né.
VOXXX, c’est quoi ?
C’est un podcast qui a été créé par Olympe de G., Lélé O, Karl Kunt le producteur et Antoine Bertin, un ingénieur son qui ne fait plus partie du projet car nous travaillons maintenant avec Mélia Roger. C’est donc toute une équipe qui bosse bénévolement pour créer toutes les deux semaines du contenu pour toutes les personnes qui ont des clitoris. Le contenu est excitant et guidant. Il y a parfois plus d’excitation, parfois plus de guide, mais toujours beaucoup d’interactions avec la personne qui écoute qui est inclue dans l’histoire.
Et, fin 2019, on a sorti le podcast COXXX pour les phallus audiophiles. On a mis 7 épisodes en ligne en décembre et maintenant on va en sortir un toutes les deux semaines, comme pour VOXXX.
« Il y a parfois plus d’excitation, parfois plus de guide, mais toujours beaucoup d’interactions avec la personne qui écoute qui est inclue dans l’histoire. »
Tu promeus depuis tes débuts un porno intelligent et tendre. Avec VOXXX, tu participes à un mouvement qui prône une représentation éthique et créative de la sexualité féminine. Est-ce que c’est une cause qui te tient à cœur depuis longtemps ? Quel est ton cheminement féministe ?
J’ai vraiment grandi dans un système familial et évolué dans un univers professionnel où les femmes sont des objets sexuels. Je n’ai jamais remis ça en cause et je n’étais donc pas dans cette démarche quand j’ai commencé mes performances. Puis il est arrivé un moment où j’ai réalisé que beaucoup de gens m’écoutaient et je me suis demandé ce que je voulais faire passer comme message. J’avais envie de montrer qu’une femme pouvait être excitante et intelligente. Dans ce que je crée, je montre de moins en moins mon corps parce que je me rends compte que le cerveau m’excite aussi beaucoup. J’ai besoin de finesse cérébrale. J’ai donc envie d’envoyer comme message que le sexe peut aussi être intelligent, qu’on n’est pas obligés de n’être que des animaux qui se frottent, parce que j’ai l’impression que les gens ne réfléchissent plus à ce qui les excite et qu’il n’y a plus de respect pour l’être humain qu’il y a en face. Au-delà même du féminisme, je me considère plus encore comme humaniste parce que j’ai vraiment besoin d’inclure les hommes. Je les plains aussi parce que le porno se limite à leur montrer un truc pour qu’ils se branlent dessus sans laisser aucune place à leur intelligence. J’ai envie au contraire qu’on se respecte nous-mêmes, car c’est essentiel pour pouvoir respecter les autres, et je crois que ça passe par l’échange d’émotion de cerveau à cerveau.
« J’ai envie d’envoyer comme message que le sexe peut aussi être intelligent, qu’on n’est pas obligés de n’être que des animaux qui se frottent, parce que j’ai l’impression que les gens ne réfléchissent plus à ce qui les excite et qu’il n’y a plus de respect pour l’être humain qu’il y a en face. »
Tu écris les épisodes de VOXXX. Écris-tu aussi d’autres choses ou as-tu d’autres projets autour de l’érotisme ?
J’écris mes épisodes parce que c’est plus simple à l’enregistrement, mais en réalité ce que j’aime le plus c’est improviser et c’est ce que je continue à faire sur mes vidéos. Je pense que je suis plus dans l’instinctif que dans l’écrit. D’ailleurs, la littérature érotique ne m’intéresse pas du tout.
En ce qui concerne mes projets, pour l’instant je veux vraiment développer VOXXX et COXXX et continuer mes vidéos avec tout l’amour que je peux y mettre, en ne me forçant jamais à créer. Je ne cherche pas à développer pour développer mais juste à continuer à faire ce qui me tient à cœur. J’ai aussi d’autres activités personnelles dont je ne peux pas parler mais c’est très chargé !
Quelles difficultés as-tu rencontrées dans ta carrière dans l’univers du porno ?
La solitude a été difficile au début. Peu de personnes réalisaient ce type de performances érotiques et je n’étais pas du tout entourée. J’ai commencé en amateur sans imaginer que ça pouvait être rémunérateur. Alors, quand j’ai commencé à gagner de l’argent, je me suis demandé où le mettre. Ça a été très difficile et ça l’est encore. Comme je suis une travailleuse du sexe, les sites sur lesquels je peux gagner de l’argent me taxent. Puis, comme je déclare tout, je suis de nouveau taxée par l’État. Il faut aussi rester anonyme pour ne pas prendre de risques.
L’argent est aussi une difficulté dans le cadre du podcast. On voulait être gratuits mais il faut donc que nous réussissions à être sponsorisés pour perdurer, ce qui n’est pas simple.
Justement, quels conseils donnerais-tu à une femme qui aurait envie de produire son podcast ?
Au même titre que pour faire du cul, j’ai envie de dire qu’il faut le faire avec le cœur. Moi, en tous cas, je fonctionne comme ça. Il ne faut pas penser à l’argent ou se forcer à dire ce que les gens ont envie d’entendre. J’ai au contraire la sensation que plus tu vas chercher à l’intérieur de toi-même, plus tu te rapproches de la réalité intérieure des autres. Il faut que ça vienne des tripes, il faut du cœur, il faut avoir envie de partager des choses et les partager dans la justesse. C’est peut-être comme ça que tu touches le plus de gens. C’est le seul conseil que j’ai envie de donner. Et il faut aussi, bien sûr, s’armer de patience et avoir du temps.
Qui sont les femmes qui t’ont inspirée et donné envie de faire ce que tu fais aujourd’hui ?
Dans les femmes que j’aime, il y a Léo de Léo et Lulu parce que c’est une femme exceptionnellement intelligente, magnifique et pleine de motivation. Je ne sais pas si elle m’inspire mais je l’admire.
Il y a Olympe de G. évidemment, elle est fascinante. On n’a pas du tout la même façon de vouloir partager notre vision de la sexualité, elle est beaucoup plus artistique, elle est très pointue, je la trouve lunaire, elle a un côté exceptionnel et unique que je trouve très beau. Notre collaboration pour VOXXX est très enrichissante et j’ai travaillé avec elle sur son dernier film. Elle m’a demandé de l’accompagner sur la coordination de l’intimité. Il y avait des acteurs porno et des acteurs classiques, mais il y avait parfois des scènes intimes entre les deux. Il fallait donc que je sois là pour faire le tampon, pour comprendre qui voulait faire quoi et pour établir le dialogue entre les acteurs. C’était très intense car c’était une première pour moi sur un film mais c’était une très belle expérience.
Et, autour de moi, j’ai toujours été inspirée par les femmes de ma famille et par mes amies. Il y a aussi beaucoup d’hommes qui m’ont inspirée, en me considérant comme une muse et en me donnant de la confiance et du pouvoir d’une certaine façon.
Y a-t-il des lectures qui t’ont particulièrement influencée
J’ai lu pas mal de livres de développement personnel ces derniers temps. Il y a évidemment Le pouvoir du moment présent d’ Eckhart Tolle. C’est un grand cliché mais ce livre m’a ouvert les yeux. J’ai aussi beaucoup aimé Les quatre accords toltèques de Miguel Ruiz. Ce sont des lectures qui m’ont marquée, qui sont simples et qui m’ont permis d’avancer.
Ton mot de la fin « Rose Boudoir » ?
Le message que je veux donner va au-delà du féminisme. Je prône un féminisme qui s’accompagne de bienveillance envers les hommes. On oublie souvent que la vie est faite de beaucoup de paramètres et qu’on ne voit pas avec les filtres des autres. C’est important d’accepter que certains sont différents, de se donner des chances égales et de se respecter. Et ça passe certainement par se branler correctement, s’apporter de l’amour correctement, pour pouvoir ensuite apporter des choses aux autres, parce qu’on a rechargé nos batteries.
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Par Laura / Elles créent, Rose Boudoir