La Femme Sauvage

(Crédit : Alexandre Guirkinger )

Dans Femmes qui courent avec les loups, la psychanalyste et conteuse Clarissa Pinkola Estés nous invite à nous retrouver, à nous reconnecter avec notre instinct. Elle considère que chaque femme porte en elle un savoir immémorial, une force instinctive, naturelle et créative, une « Femme Sauvage » que la société et la culture ont trop souvent muselée. En nous livrant ses analyses de mythes et de contes du monde entier, elle nous invite à faire réapparaître cette nature profonde pour redevenir libres et créatives. Ce livre fascinant, best-seller aux États-Unis, nous a bouleversées. Il redéfinit notre identité féminine et, ce faisant, nous guérit.

« La psychologie classique tourne court lorsqu’il s’agit de la femme créatrice, de la femme douée, de la femme profonde. Elle est souvent peu bavarde ou carrément silencieuse sur les questions d’une grande importance pour les femmes : celles de l’archétype, de l’intuition, du sexuel et du cyclique, des âges de la femme, de sa façon d’être, de son savoir, de la flamme de sa créativité. C’est ce qui, pendant plus de vingt ans, m’a poussée à travailler sur l’archétype de la Femme Sauvage. »
Clarissa Pinkola Estès, Femmes qui courent avec les loups, 1995 (version française : 1996, Éditions Grasset & Fasquelle).

Avec l’expression « Femme Sauvage », Clarissa Pinkola Estès souhaite décrire de façon métaphorique la force fondatrice de l’espèce féminine. « Le mot sauvage n’est pas utilisé ici dans son sens moderne et péjoratif, d’ « échapper à tout contrôle », mais dans son sens originel de « vivre une vie naturelle » », en accord avec ses rythmes biologiques et ses aspirations profondes.

La psychanalyste construit tout son ouvrage sur des analyses de contes et de mythes qui peuvent nous donner des pistes pour retrouver notre nature profonde, pour suivre les traces de notre instinct et nous aider à mieux nous comprendre. A travers des « fouilles psycho-archéologiques » des ruines de l’inconscient féminin, en faisant appel aux traditions et aux représentations les plus diverses, de la Vierge Marie à Vénus, de Barbe-Bleue à la petite marchande d’allumettes, elle démontre qu’il ne tient qu’à chacune d’entre nous de retrouver en elle la Femme sauvage.

Pour elle, la mémoire de toute femme détient une parenté « absolue, indiscutable et irrévocable avec la féminité sauvage ». Et, même si nous sommes domestiquées, acculturées, notre relation primitive avec cette nature instinctive ne demande qu’à surgir. Nous éprouverions ainsi toutes le besoin, même sans le savoir, de nous reconnecter à l’énergie du féminin, de revivifier notre instinct, de « retrouver une terre dont (nous) gard(ons) la nostalgie sans vraiment l’avoir connue ». Des expériences fondatrices, comme la maternité, peuvent permettre aux femmes contemporaines d’avoir de nouveau accès aux dons et à la créativité que la culture et la société ont tendance à museler.

« Chez certaines femmes, ce « goût du sauvage » vient à la grossesse, ou bien pendant qu’elles s’occupent de leurs tout-petits, ou au cours de ce changement miraculeux qui intervient en elles lorsqu’elles élèvent un enfant, ou enfin quand elles entretiennent une relation amoureuse comme on entretient son jardin.
La vision de spectacle d’une grande beauté nous permet d’approcher la Femme Sauvage. Je l’ai sentie qui frémissait en moi devant un coucher de soleil magnifique. Je l’ai sentie en voyant, au crépuscule, des pêcheurs revenir du lac à la lumière de lanternes, en découvrant les orteils de mon nouveau-né, bien rangés comme les grains d’un épi de maïs doux. Nous pouvons la voir partout. » 

Clarissa Pinkola Estès compare souvent le comportement féminin à celui des loups. Elle estime en effet que la femme contemporaine s’est séparée de sa version sauvage, de cette essence instinctive où le loup sait très bien qui il est, se reconnaît et se sait fort, libre et précieux. En essayant constamment de nous ajuster à un modèle de femme artificielle, nous nous coupons de notre nature profonde, perdons notre énergie et notre force. Mais, une fois qu’une femme a retrouvé sa nature sauvage, il n’est en général plus question de la laisser s’en aller, car elle réalise que, coupée d’elle, elle s’est trop éloignée « de sa créativité, de l’œuvre de sa vie ou de ses amours vraies ».

« Nous bondissons dans la forêt, le désert ou la neige et nous courons, nous courons, nos yeux sondant le sol, l’oreille tendue. Nous cherchons partout, dessus, dessous, un signe, un indice, un vestige prouvant qu’elle vit encore, que nous n’avons pas laissé passer notre chance. Et quand nous découvrons sa trace, nous redoublons d’efforts pour nous rattraper, pour remettre tout au propre, nos amours comme notre esprit, pour tourner la page, rompre les ponts, enfreindre les règles, arrêter la planète. Car nous n’avons pas l’intention de continuer sans elle.
Quand les femmes l’ont perdue et retrouvée, elles font tout pour la garder à jamais. Elles se battent pour cela, car avec elle leur vie créatrice s’épanouit, avec elle leurs amours gagnent en profondeur, en signification, en bien-être, avec elle les cycles de leur sexualité, de leur créativité, de leur travail se rétablissent. »

Puisant dans un héritage de connaissances, de réflexions, de récits et de savoirs ancestraux, Clarissa Pinkola Estès nous invite à recouvrer le contact avec la femme sauvage présente en chacune de nous, à retrouver « les idées, les émotions, les pulsions, la mémoire », à retrouver cette féminité « perdue et presque oubliée depuis longtemps, bien longtemps » qui est « la source, la lumière, la nuit, l’obscurité, l’aube », « la bonne odeur de la boue, la patte du renard », « les oiseaux qui nous disent des secrets », « la voix qui dit ‘Par ici, par ici.‘ »

A travers toutes ces histoires, tous ces mythes, tous ces contes, elle aborde de très nombreux thèmes, comme la féminité, la sexualité, les obsessions, les rêveries, les secrets, et accorde une place centrale à la création sous toutes ces formes.

Femmes qui courent avec les loups est vraiment un texte dont la lecture apaise et guérit. Un texte qui donne encore plus envie de solidarité féminine, de sororité. Un texte qui donne encore plus envie de se passionner, d’être vivante, de créer, car le « goût du sauvage va et vient avec l’inspiration ».