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Goliarda Sapienza

ECRIRE ET AIMER : UNE VIE D'INSOUMISSION, DE JOIE ET DE LIBERTÉ

10 mai 2018

Photo Goliarda Sapienza en noir et blanc

Crédit : Archivio Sapienza Pellegrino

Goliarda Sapienza est une actrice et écrivain italienne, née le 10 mai 1924 à Catane, en Sicile, dans une famille socialiste anarchiste recomposée. Enfant de remplacement, elle naît juste après l’assassinat d’un frère, Goliardo, et la mort d’une sœur, Goliarda. Elle reçoit une éducation athée et socialiste, loin des écoles fascistes. Elle entre à 16 ans à l’Académie nationale d’art dramatique de Rome et commence une carrière d’actrice, se produisant sur les scènes de théâtre et jouant au cinéma avec plusieurs réalisateurs de renom. Elle met fin à sa carrière à la fin des années 1960 pour se consacrer à l’écriture. 

Elle commence alors un cycle d’écritures autobiographiques, dans lequel elle évoque sa famille, sa jeunesse, le fascisme, son séjour dans un hôpital psychiatrique après une tentative de suicide ou encore son incarcération après un vol de bijoux. S’étant réduite à la pauvreté, allant même jusqu’à vendre ses meubles pour écrire son roman L’Art de la joie, elle avait en effet dérobé les bijoux d’une bourgeoise qui côtoyait le cercle d’intellectuels auquel appartenait Goliarda et qui avait refusé de l’aider.

Habitée par le roman de sa vie qu’elle écrit entre 1967 et 1976, Goliarda ne parvient pas à le faire publier de son vivant. Elle meurt d’une chute mortelle dans les escaliers en 1996, sans avoir connu le succès, laissant pourtant derrière elle une œuvre littéraire immense.

La première publication de L’Art de la joie en 1998, à compte d’auteur, par son dernier compagnon, Angelo Maria Pellegrino, passe inaperçue. C’est grâce à sa publication en France, aux éditions Viviane Hamy en 2005, que le roman connaît un succès mondial, devenant un best-seller et un long-seller. Il offre une véritable gloire posthume à Goliarda Sapienza, y compris dans son pays où il est aujourd’hui reconnu comme un chef-d’œuvre de la littérature italienne. Ses textes sont depuis publiés les uns après les autres, en France aux éditions Le Tripode (Les Certitudes du doute, Moi, Jean Gabin, Rendez-vous à Positano, L’Université de Rebibbia…).

Les premières pages de L’Art de la joie marquent à jamais. Leur absolue transgression explique sûrement le fait que tous les éditeurs italiens aient refusé de le publier pendant vingt ans. On y découvre en effet la petite Modesta expérimenter un cunnilingus alors qu’elle n’est qu’une enfant, suivi d’un viol, d’un matricide et enfin du meurtre d’une bonne sœur. On se retrouve ensuite happé par les rencontres, les épreuves, les multiples expériences que vit cette héroïne hors du commun qui avance vers la vieillesse avec toujours la même insoumission, la même lumière, la même soif de plaisir chevillées au corps.

Hautement féministe et contestataire, ce roman qui habita Goliarda Sapienza neuf années durant est un hommage à la féminité, à la liberté, à la rébellion et à la quête du bonheur. Un mélange de sagesse et de subversion comme l’illustre l’analyse du sentiment amoureux à laquelle aboutit son héroïne Modesta :

« On tombe amoureux parce qu’avec le temps, on se lasse de soi-même et on veut entrer dans un autre pour le connaître, le faire sien, comme un livre, un paysage. Et puis quand on l’a absorbé, qu’on s’est nourri de lui jusqu’à ce qu’il soit devenu une part de nous-même, on recommence à s’ennuyer. Tu lirais toujours le même livre, toi ? »

Ne pas s’ennuyer donc, et aimer toujours, comme le fit Goliarda, femme libre, passionnée, entêtée, révoltée, qui jamais ne se priva d’aimer, des hommes comme des femmes, et qui jamais ne renonça à créer.

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