9 mars 2019
La communauté féminine et culturelle Wise Women organise sa toute première exposition à l’occasion de la Journée Internationale des femmes à la Villa Rose du 8 au 16 mars 2019, en partenariat avec la marque de lingerie japonaise Wacoal qui entretient un lien fort avec l’art. Les Wise Women, représentées à cette occasion par Maroussia Rebecq (co-fondatrice de Wise Women) et Margaux Barthélemy (fondatrice de Hashtagart) invitent six femmes artistes – Camille Vivier, Inès Longevial, Apolonia Sokol, Célia Nkala, Leslie David et Alice Guittard – à produire une œuvre exclusive qui sera vendue au profit de femmes artistes en exil, avec la complicité de Marine Van Schoonbeek de Thanksfornothing.
L’exposition caritative « Capture Beauty » donne à ces six femmes l’opportunité de créer à partir de l’idée de « Saisir la beauté ». Pourquoi ? Parce que l’histoire de l’art témoigne de la continuité de l’incarnation de la beauté à travers le corps féminin, même si ses représentations se sont largement renouvelées à travers les siècles. Il s’agit donc d’un thème essentiel qui en dit autant sur nos enveloppes charnelles que sur nos intériorités, un thème qui questionne les visions actuelles de la beauté et se fait ainsi l’écho de notre époque.
(Apolonia Sokol – Crédit Photo: Wise Women)
Maroussia, Margaux, pouvez-vous nous présenter brièvement la communauté Wise Women ? Quels sont les objectifs et les ambitions de ce « cercle de femmes en mouvement » ?
Maroussia : Wise Women est un cercle de femmes de la culture et de la création que j’ai fondé avec Séverine Redon il y a environ un an. L’idée était de fédérer des femmes qui nous ressemblent afin de monter des projets. C’était très ouvert car on cherchait à ne pas mettre trop de limites pour que les initiatives viennent de l’intérieur. Ensuite, il y a eu un jeu : on a organisé des dîners auxquels 5 femmes étaient invitées à inviter 5 femmes chacune. Il s’agissait donc de dîners de 30 femmes. C’était plaisant de rencontrer des femmes que tu ne connais pas mais dans lesquelles tu peux potentiellement te reconnaître, des femmes qui ont plus ou moins réussi car de toute façon nous sommes toujours toutes en chemin… Cela reste en effet courageux d’avoir des métiers créatifs et culturels. Il y’avait pas vraiment de cadre et, petit à petit, on a mis en place une newsletter avec un agenda dans lequel les filles peuvent partager leur actualité. On a aussi créé le site internet sur lequel on met en valeur des femmes par des portraits et par la diffusion des projets qu’elles portent.
Margaux : Pour ma part, j’ai été invitée au premier dîner par Anne Racine qui était à l’époque directrice de la com du jeu de Paume et qui est aujourd’hui directrice de la com de la fondation Carmignac à Porquerolles. A l’époque, il n’y avait rien sur les Wise Women, pas d’Instagram… J’étais donc juste invitée à un dîner de femmes et je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. J’ai rencontré plein de femmes que je connaissais de loin comme Christine Macel qui venait de la Biennale de Venise et Marine qui nous aide aujourd’hui pour la partie associative de cette exposition. C’est à travers ce cercle de femmes que Séverine et Maroussia m’ont proposé de curater cette exposition. Il me semble que la marque Wacoal, qui finance et organise l’exposition, nous a contactées parce qu’ils ont été sensibles à ces réunions de femmes de la culture et de la création.
Maroussia : Oui, Wacoal a toujours soutenu les femmes dans l’art contemporain. Le fondateur collectionne lui-même beaucoup d’art contemporain féminin, notamment les femmes impressionnistes.
Comment est née l’idée de l’exposition « Capture Beauty » ?
Maroussia : C’est le premier gros projet que nous montons. Ce projet est venu d’une proposition extérieure de la marque Wacoal mais, comme c’est aussi un « side project », nous nous sommes demandées comment l’impulser. On a réfléchi à un format et l’idée de faire une exposition était assez évident.
Margaux : Oui, c’est le premier projet concret qui est lié à la rencontre de toutes ces femmes-là. Il y a eu deux grandes fêtes où toutes les femmes des dîners se sont rencontrées. Nous avons souhaité que l’exposition ait lieu à la Villa Rose qui est le lieu qui accueille toutes ces réunions de femmes. C’est un magnifique hôtel particulier dans le 9e qui ressemble à une maison, c’était important pour nous que l’exposition y ait lieu.
Maroussia : Nous avons donc décidé d’inviter 6 femmes artistes à participer à cette exposition. Ces femmes sont devenues des Wise Women. Elles ont accepté de produire chacune une œuvre sur le thème de l’exposition qui sera vendue au profit de 6 femmes artistes réfugiées.
Margaux : Nous partagions toutes les deux l’envie de faire travailler de jeunes artistes émergentes. Toutes les œuvres ont été produites spécialement pour l’exposition autour de la thématique « Capture Beauty » que nous avons choisie et qui a été validée par la marque Wacoal. Le vernissage de l’exposition a lieu le 7 mars car Wise Women et « Capture Beauty » entrent dans le contexte de la journée internationale des femmes du 8 Mars. Une table ronde ouverte sera donc menée le jour J autour de la place des femmes dans la culture.
Maroussia : Les Wise Women s’appellent Wise comme la sagesse, les sages femmes. La table ronde interrogera les mécanismes de réussite dans le milieu culturel. Tout le monde est en chemin, mais on essaie de mettre en place une forme de mentoring pour les femmes en exil pour qui le chemin est encore plus difficile. Il y a cette envie de dire que nous sommes des femmes actives et fortes, que l’on s’entraide entre nous, que l’on s’aime, qu’il existe une sorte de sororité immédiate de laquelle on se doit de faire naître quelque chose. Pour ma part, j’avais envie de faire du mentoring et d’aider les plus jeunes. Grâce à l’atelier des artistes en exil, on aide aussi des femmes plus défavorisées. Je trouve déjà, dans mon parcours personnel, qu’être artiste, styliste et entrepreneuse n’est pas évident par rapport à mon éducation de petite bourgeoise. Alors pour ces femmes en exil, qui viennent de pays compliqués, être artiste est encore plus engageant : c’est vraiment toute leur vie ! C’est ce qui est vraiment très touchant et bouleversant.
Affiche de l’exposition « Capture Beauty » – Du lundi au samedi de 12h à 19h, du 8 au 16 mars 2019. Villa Rose : 84, rue d’Amsterdam – 75009 Paris
En quoi créer autour du thème de la beauté permet-il de questionner notre époque ?
Maroussia : Leslie David a par exemple réinterprété des femmes iconiques en train de se prendre en selfie. Quel est leur rapport à la beauté ? Il y a un rapport à l’image de soi, de soi à soi, à l’image que l’on donne de soi, à notre image publique et à notre intimité. Je pense que cette approche de la beauté est résolument contemporaine, même si la beauté traverse les âges, l’histoire de l’art.
Margaux : Ce thème permet plus largement d’interroger les jeunes artistes sur ce qu’est la beauté aujourd’hui. Oui, la beauté est forcément un marqueur de plein de choses liées à une époque. Quand on traverse l’histoire de l’art, on peut donc noter les canons de beauté qui ont marqué chaque époque. Mais, dans une idée très subjective de la beauté, les 6 artistes ont toutes donné des réponses très différentes. Leslie est dans le contemporain-narcissique, les icônes 2.0, le digital et tout ce que cela peut impliquer comme problématique sur le regard de soi, tandis que Celia Nkala a fait une retranscription très abstraite de la femme d’aujourd’hui et en même temps très classique avec une référence à Vénus.
Maroussia : Le travail de Célia est la réponse la plus abstraite des 6 artistes, un travail magnifique qui parle de fécondité, de forme. Camille Vivier a pour sa part utilisé la photo en noir et blanc, assez classique, mais la femme prise en photo a une beauté atypique : elle ne correspond pas au mannequin habituel, elle est un peu ronde et très maquillée. Je dirais que c’est un travail assez vintage dans sa représentation.
Margaux : Alice Guittard a créé quelque chose de plus figuratif, en proposant une femme complètement décolletée au niveau des seins et des cuisses mais dont on ne voit pas le visage. Elle travaille sur la marqueterie de marbre, une méthode très ancienne qu’elle s’est réappropriée. Elle fait des photos, puis elle choisit certains cadrages qu’elle retranscrit en marbre.
Maroussia : C’est une œuvre très sexuelle, la réinterprétation d’une méthode très classique de façon très contemporaine. Ines Longevial travaille de son côté sur le visage, mais essaie de faire une femme dénuée de toute sensualité, sexualité. C’est pourtant très féminin avec des artifices oniriques comme des fleurs, des feuilles… mais assez asexué.
Margaux : Il y a aussi la proposition féministe et engagée d’Apolonia Sokol, qui reprend une des postures « hystériques » dont Charcot s’est fait l’expert. Il s’agit de 6 approches différentes et c’est exactement ce à quoi l’on s’attendait quand on a lancé l’invitation : avoir des réponses très variées qui s’opposent presque dans la lecture que l’on peut en faire.
6 femmes artistes : Ines Longevial, Camille Vivier, Célia Nkala, Alice Guittard, Leslie David, Apolonia Sokol
« Capture Beauty » est une exposition caritative qui devrait permettre le financement d’une nouvelle exposition qui sera présentée en juin à la Villa Rose et permettra à six femmes artistes en exil de créer. Pouvez-vous nous parler de l’association « Artistes en exil » ?
Margaux : Cette association a été montée par une artiste qui s’appelle Judith de Paul, au profit d’une association qui s’appelle « L’Atelier des artistes en exil » et qui s’occupe des artistes réfugiés qui arrivent à Paris. L’association identifie quels sont les besoins des artistes en exil quand ils arrivent à Paris, leur offre du matériel, organise des rencontres entre ces artistes et le monde de la culture. Cela leur donne accès à un espace d’exposition, un lieu exceptionnel au cœur de Paris, et leur donne une visibilité. L’association va récupérer les fonds de la vente des œuvres de « Capture Beauty », ce qui nous permettra d’aider ces artistes en exil dans le cadre d’une prochaine exposition que nous allons curater bénévolement avec Maroussia.
Comment imaginez-vous l’échange entre les femmes qui vont venir voir l’exposition et les 6 artistes que vous avez choisies ?
Maroussia : Le thème est une proposition assez émotionnelle, tout comme la cause défendue. Nous espérons donc que les femmes qui vont venir voir ces œuvres vont ressentir la transmission qui a lieu entre ces jeunes artistes françaises et les artistes en exil qu’elles vont aider.
Margaux : Nous pensons qu’il y a quelque chose de générationnel : l’exposition va peut-être mettre en lumière des conversations entre ces jeunes artistes et des Wise Women un peu plus expérimentées, qui ont peut-être plus de recul sur ce que l’histoire de l’Art a pu produire comme représentation de la beauté et sur ce qu’il en reste aujourd’hui, sur ce que cela dit de notre époque. C’est une question très ouverte qui intéresse tout le monde, pas seulement les femmes, les hommes aussi sont invités !
Maroussia : Ce qui est intéressant, c’est aussi de dire que ces femmes artistes, que l’on a sollicitées, ont été touchées et emballées par ce projet caritatif. Elles donnent très généreusement leurs œuvres pour cette cause. Je pense que cela soude la transmission et l’écho humain entre le cercle Wise et d’autres cercles comme celui des artistes en exil. Cela donne une profondeur et créé un lien immédiat de solidarité.
Quels sont les autres projets des Wise Women ?
Maroussia : Il y a déjà une newsletter tous les 2/3 mois, la prochaine va bientôt sortir. Nous allons éditorialiser le site internet et il va y avoir la deuxième expo en juin. Nous allons aussi continuer les dîners et les projets, mais nous prenons notre temps : les Wise Women est un « side project » et il est important de faire les choses avec plaisir !
Margaux : Et sûrement plein de projets qui vont découler de tous nos futurs dîners !
CAPTURE BEAUTY
Du lundi au samedi de 12h à 19h, du 8 au 16 mars 2019. Villa Rose : 84, rue d’Amsterdam – 75009 Paris
Vous pouvez découvrir une série de portraits et de vidéos des artistes de l’exposition sur @wisewomen_paris @wacoaleurope
Par Estelle / Chair, Elles créent