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Laura Bonnefous, une photographe talentueuse et inspirante

Libre et indépendante, Laura Bonnefous multiplie les projets et collabore avec des musiciens, des danseurs, des designers, des créateurs et des marques. Elle a créé un univers poétique, coloré et singulier qui nous a donné envie de la découvrir.

20 avril 2019

Laura Bonnefous

Laura Bonnefous est une jeune photographe plasticienne talentueuse et inspirante. Passionnée par la sculpture, la performance, l’Installation et la danse contemporaine elle pratique aussi la vidéo. En 2015 elle compte parmi les 30 Under 30 Womens Photographers, remporte la Bourse du talent, le Prix Picto et le Prix des Directeurs de création. Plus récemment elle présentait sa série « FAILLES » au Palais Galliera à Paris et « Périphéries Intérieures » au Arezzo Photographie festival en Italie. Libre et indépendante, elle collabore avec des musiciens, des danseurs, des designers, des créateurs ou des marques tels que Issey Miyake, Air France, Yves Saint Laurent ou encore Hugo Matha. Elle a créé un univers poétique, coloré et singulier qui nous a donné envie de la découvrir.

Photo Laura Bonnefous

Peux-tu nous raconter ton parcours ?

Après un bac scientifique, j’ai fait une année de prépa Arts Plastiques à Toulouse. J’ai passé plusieurs concours et je suis entrée aux Beaux Arts de Paris à 18 ans. J’y ai passé cinq merveilleuses années dans l’atelier de Jean Luc Vilmouth qui ont contribué à faire ce que je suis maintenant. J’ai pu développer tout le côté théorique de ma pratique et prendre le temps de réfléchir à ce que j’avais envie de faire. Je ne suis pas arrivée tout de suite à la photo, à l’époque je pratiquais principalement la sculpture et l’installation. C’est le volume qui m’a attirée en premier, peut-être parce que j’ai grandi dans l’univers de la construction où les chantiers étaient mes terrains de jeu. J’ai donc travaillé autour du paysage, de la construction, des formes créées par l’homme. Quant à la photo, je m’en servais comme document pour mes installations. Lors de mes voyages, je prenais en photo les formes et objets qui semblaient être sortis du réel, décalés, détournés et ils servaient de base et d’inspiration à mes installations. J’appelais ça « le dictionnaire des formes silencieuses ».
En 4e année, je suis partie en échange scolaire à Los Angeles dans une école d’Art et Design, Otis. Et, là-bas, je me suis retrouvée à faire beaucoup de photo. En rentrant en France, j’ai passé mon diplôme de 5e année qui était entre de la photo et de l’installation, puis j’ai décidé de poursuivre mes études à l’École des Gobelins. C’est une très bonne école de photographie dans laquelle j’ai pu apprendre la partie technique pendant 2 ans. J’ai par exemple appris à photographier en studio, à photographier des modèles… C’est à ce moment-là que je me suis mise à réaliser des petites constructions et à jouer avec des objets pour ensuite les photographier. J’ai eu mon diplôme des Gobelins en 2014 et depuis je travaille dans le milieu de la photo. Au début, j’ai pas mal assisté des photographes en commençant aussi en parallèle des projets de commande en mode ou en publicité. Puis, naturellement, avec pas mal de travail et de patience, j’ai de moins en moins « assisté » et je suis devenue indépendante. Cela va faire 2-3 ans maintenant.

Portrait de Laura Bonnefous

Laura Bonnefous

Tu es photographe mais tu réalises aussi des vidéos et des clips, tu évolues dans le milieu de l’Art, de la musique, de la mode… Comment choisis-tu tes projets ?

Je viens vraiment des Arts Plastiques et, dès le début, j’ai voulu que mon travail de commande de photo s’inspire de mon travail personnel. C’est une exigence qui me tenait à cœur. Évidemment je n’ai pas eu des commandes tout de suite, c’était un peu difficile, mais j’ai fait en sorte qu’on m’appelle pour « ma patte » et pour mon style d’images. Finalement, ça s’est fait assez naturellement avec des jeunes créateurs qui m’ont contactée car ils aimaient mon univers et m’ont demandé de collaborer avec eux. Ce qui m’intéresse c’est d’avoir une part dans la direction artistique de chaque travail de commande que je réalise, c’est vraiment un échange. On met chacun un petit bout de soi dans la réalisation ! J’ai décloisonné les pratiques, j’évoque le volume, la performance, il y a donc des musiciens, des créateurs de bijoux et de vêtements qui viennent vers moi. Je développe en ce moment la vidéo car la danse contemporaine me passionne depuis mes études. Le fait de ne fermer aucune porte mais plutôt de penser à travers un univers plastique singulier fait qu’il n’y a aucun blocage, que je peux travailler sur une multitude de projets.

Comment s’organisent ton travail et tes journées ? Est-ce que tu travailles seule ou avec une équipe ?

Pour la construction de mes projets personnels, les phases de recherche, de croquis, d’écriture… je travaille seule chez moi. Puis, quand je passe à la phase de réalisation des projets, je rassemble la même équipe depuis toujours, c’est un peu comme ma deuxième famille : coiffeuse, maquilleuse, styliste, assistantes, et, depuis que j’ai développé les vidéos, chef-opérateur, monteuse et étalonneur me suivent aussi. Et, pour le travail de commande, un agent me représente et m’accompagne dans mes projets.

Portrait de Angèle / Crédit : Laura Bonnefous

Laura Bonnefous

Ce n’est pas trop difficile d’être une femme artiste indépendante ?

Oui et non. Je crois que dans un premier temps ça dépend de la position qu’on se donne. Je suis quelqu’un d’assez déterminé et battant. Je suis arrivée dans ce milieu sans connaître personne, sans rien du tout, à force de travail et d’énergie. Dans le milieu de la photo, je dirais qu’il commence à y avoir pas mal de femmes photographes, que les choses sont en train de changer. Dans le milieu de la vidéo, les équipes sont le plus souvent constituées d‘hommes, alors c’est vrai que lorsque j’ai débarqué en tant que jeune femme réalisatrice sur mon premier tournage, j’ai senti un peu plus que je devrais faire ma place, mais je pense que cela est amener à changer aussi. Dans tous mes jobs de commande, expos… j’ai toujours été très bien accueillie, je n’ai jamais senti de discrimination parce que je suis une femme. Notre génération est je pense en train de se battre pour renverser les codes et les préjugés.
Pour ce qui est du statut d’indépendant, financièrement, au début, ça n’est pas été facile mais c’est un choix de carrière. J’ai toujours eu la chance d’avoir des amis et une famille qui ont cru en moi, ce qui m’a vraiment aidée. Au final, j’adore être indépendante, c’est une liberté, je serais la plus triste du monde si je ne pouvais pas mener mon travail comme j’ai envie de le mener. C’est beaucoup de travail en contrepartie mais c’est un bonheur de me lever le matin car aucune journée ne se ressemble. C’est plus simple d’en parler aujourd’hui car ça va mieux qu’au début, donc ça vaut le coup de se battre !

Il y a souvent un parti-pris très coloré dans tes œuvres. Peux-tu nous en parler ?

Je me suis toujours intéressée à la couleur, c’est pour moi l’élément principal de mon travail, celui avec lequel on peut jouer avec la réalité, la transposer, la transformer. Je peux passer des heures à regarder un paysage, un objet, une situation, une pièce, un groupe de personnes en filtrant les couleurs et les actions qui s’en dégagent, imaginer comment je pourrais transposer cette scène, nous la faire voir autrement. Depuis toujours et depuis toute petite c’est quelque chose d’assez inexplicable que j’ai en moi et qui me fait voir la vie différemment, je crois que finalement les métiers de l’image étaient faits pour moi.
Quand j’ai démarré la photo, que j’ai commencé par travailler le volume à travers l’image naturellement par le blanc, je matérialisais le white cube par le studio de prise de vue. Puis, petit à petit, la couleur s’est installée comme si elle revenait naturellement prendre sa place dans mon travail photographique, comme elle l’avait eue dans l’installation. Pour moi, la couleur est une vraie manière de réinterpréter le réel. Quand je fais une photo, que ce soit en studio ou en extérieur, la couleur me permet de jouer avec l’image, de la faire ressortir. Par exemple, pour la série photo « The blue Epic », qui raconte l’histoire d’une femme partant dans un voyage onirique, qui développe une idée de rêverie et d’envolée, j’ai choisi le bleu ciel et, pour le relever, un bleu électrique, une couleur forte qui rappelle le bleu Klein. Dans cette série, j’ai shooté des mannequins à la peau noire, à la peau blanche, cette couleur les liait, sublimait ce que je voulais montrer des corps et donnait une certaine force. La combinaison du bleu ciel et du bleu électrique donne une impression douce et incisive à la fois.
Pour « Failles », mon dernier travail personnel sur le Japon, je suis allée photographier un territoire, j’ai fait une étude sensorielle, avec un axe complètement plasticien basé sur la couleur. Puis, dans un second temps, j’ai travaillé en collaboration avec le créateur Issey Miyake sur des portraits et des mises en scène pour faire ressortir des analogies de couleurs et de formes entre les paysages et les vêtements. Ce travail sur un territoire et son lien avec la couleur forme l’essence de plusieurs de mes travaux personnels. Le prochain que je prépare sera sur une ville en plein cœur de l’Angola.

Failles / Crédit : Laura Bonnefous

Tu as un univers très poétique, abstrait et épuré. Quelles sont tes inspirations ?

Il y a tout d’abord et avant tout le réel, la vie, les expériences de tous les jours, les objets, oui je suis une passionnée et une observatrice de ce qui fait notre réel, de ce que l’on a tendance à oublier mais qui fait ce que nous sommes. Il y a la littérature, je suis une passionnée de Georges Perec, de Roland Barthes, de tous ces personnages qui parlent des choses, de nos mythologies. Espèces d’espaces de Georges Perec est un livre que je peux relire et relire ! Finalement, dans l’univers surréaliste que j’ai développé, je parle de choses simples qui existent juste à côté de nous et j’essaie de montrer comment on peut les transposer et les voir différemment. Il y a un petit côté Art pauvre, j’aime le fait de me dire que la tasse que j’utilise par exemple maintenant peut devenir quelque chose d’autre, peut nous amener ailleurs ! Les lectures surréalistes d’André Breton m’ont aussi beaucoup influencée.
En ce qui concerne l’installation et la sculpture, il y a une artiste que j’aime depuis toujours qui s’appelle Tatiana Trouvé. J’adore aussi les travaux de Sylvie Fleury et Yayoi Kusama.
La danse contemporaine m’inspire aussi beaucoup. J’aime tous les spectacles de Pina Bausch, Lucinda Childs mais aussi le cinéma de Jacques Tati… J’aime ces univers qui sont empreints du réel et qui, à un moment, le rendent magique !

Ton rêve le plus fou ?

Faire voyager les gens par la couleur et la poésie, pendant quelques instants loin de toutes pressions sociales, c’est ce à quoi j’aspire à travers mes projets.
Mon rêve le plus fou serait un projet vidéo entre danse contemporaine, couleurs et objets. Une vidéo plasticienne qui mettrait en scène un casting de danseurs très éclectiques présentant par des jeux de couleurs nos sentiments, nos relations, nos échanges, nos passions, nos regrets. L’expression de notre monde par la couleur, c’est chaque jour ce vers quoi je tends, c’est l’expression de mes rêves les plus fous !

Crédit : Laura Bonnefous

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