19 avril 2019
Mikaela est grecque & française, un joli mélange qui l’a naturellement amenée à ouvrir à Paris son restaurant Étsi (« comme ça » en grec) après avoir fait son apprentissage chez des grands chefs tels que Cyril Lignac ou Michel Rostang. Elle a ouvert un lieu chaleureux qui mélange ses deux cultures, dans lequel on se sent tout de suite bien. Venir chez Etsi, c’est une invitation au voyage, une petite bulle dans le 18ème qu’elle a façonnée à son image.
On a décidé de rencontrer Mikaela, cette jeune cheffe passionnée au parcours atypique, afin d’en savoir un peu plus sur elle et sur son magnifique restaurant au bleu si spécial.
Crédit photo : Gaime Meloni
Bonjour Mikaela, comment es-tu devenue cheffe ?
J’avais envie d’apprendre un métier manuel et de travailler dans un secteur dans lequel il y aurait toujours du travail. Ça rejoignait mon envie de créer un lieu, d’accueillir et de donner du plaisir aux gens…
J’ai appris à cuisiner et j’ai multiplié les expériences tout en gardant en tête qu’un jour j’ouvrirais un lieu qui me ressemblerait dans lequel les gens se sentiraient bien. Depuis le début, j’ai toujours eu une vision de la restauration chaleureuse et humaine.
Mikaela Liaroutsos, Cheffe du restaurant Etsi
Est-ce que ça a été compliqué de monter ton restaurant ?
J’ai eu de la chance car j’ai été bien entourée. C’est un énorme coup de pouce d’être aidée par les bonnes personnes. Malgré cela, tu es seule à porter ton projet et les 8 premiers mois de l’ouverture de Etsi ont été intenses et assez durs ! Il faut savoir être patient et persévérant.
Le lieu est vraiment très beau, est-ce que c’est toi qui l’as imaginé ?
J’ai travaillé avec une amie architecte avec qui j’ai beaucoup échangé. Je lui ai parlé de ce que j’imaginais, de la façon dont je pensais accueillir les gens et de ce fameux bleu que l’on retrouve un peu partout chez Etsi.
Deux choses ont été compliquées : trouver le nom et la teinte du bleu. J’ai tout fait pour ne pas tomber dans le folklore. Ce que je voulais c’était dépoussiérer la cuisine grecque. Je ne voulais donc pas d’un bleu trop connoté… et, en fait, les gens voient ce qu’ils veulent mais aujourd’hui ce bleu, c’est le bleu Etsi !
Restaurant Etsi – Crédit photo : Gaime Meloni
Quel type de cuisine proposes-tu chez Etsi ?
C’est une cuisine grecque mais avec ma vision, mon expérience de la Grèce mélangée à mon amour pour la cuisine française et tout ce que j’ai appris ces dernières années ! C’est un mélange de mes deux cultures. Avec Etsi, j’essaie de faire découvrir des produits que les gens ne connaissent pas afin de sortir un peu des clichés et d’aller au-delà de la cuisine folklorique grecque.
On parle de toi comme de l’icône du renouveau de la gastronomie grecque, ce qui j’imagine doit te faire super plaisir ! Es-tu satisfaite de ces deux dernières années ?
Oui, je suis très contente, cela fait vraiment plaisir ! Les choses se sont faites naturellement. Je me rendais compte qu’il y avait un marché mais je ne pensais pas que ça allait prendre autant d’ampleur. Je suis fière maintenant du travail que j’ai accompli.
Après 2 ans et demi d’activité, nous sommes en pleine phase de réflexion sur l’après. Jules est arrivé dans l’équipe assez rapidement et maintenant on forme un super binôme. On se pose pas mal de questions mais le cheminement est encore très récent. Je ne suis pas une personne pressée, je prends mon temps pour faire mes choix, je m’écoute.
Qu’est ce qui te procure le plus de plaisir dans ton travail ?
Je crois que c’est le rush du service quand les choses se passent bien. Le moment que je préfère c’est lorsque je sors ma tête de la cuisine qui est ouverte sur la salle et que je vois les clients heureux. Lorsqu’ils viennent te dire au revoir et qu’ils te disent qu’ils se sont régalés ; c’est génial, c’est un plaisir immédiat !
J’ai découvert dans ton restaurant le livre Cheffes, 500 femmes qui font la différence dans les cuisines de France, dont tu fais partie. Est-ce que le milieu de la cuisine se féminise ?
Les représentations changent et le milieu de la restauration aussi. Il y a de plus en plus de femmes qui sont cheffes. La manière de travailler et le paysage professionnel changent, on commence à avoir des modèles de cuisine de plus en plus différents, on adapte nos envies et la profession n’est plus figée. Il y a tellement de métissages, de styles, de concepts… La cuisine n’est plus ce truc qui pouvait faire peur.
C’est sûr que c’est un travail physique mais une femme peut totalement faire la même chose. Ce n’est pas un métier plus masculin qu’un autre. Pourquoi la cuisine ça serait uniquement pour les femmes à la maison ?!
Cheffes, 500 femmes qui font la différence dans les cuisines de France, Nouriturfu Edition
Quels conseils donnerais-tu à des jeunes femmes qui veulent ouvrir leur restaurant ?
Je dirais qu’il ne faut pas trop écouter les gens… Quand tu démarres ton projet et qu’on te dit « ça ne va jamais marcher » sans argumenter… ce n’est pas constructif et c’est démotivant. Il ne faut pas se laisser abattre par les jugements !
Un autre petit conseil : je pense qu’il ne faut pas avoir peur d’aller au bout de son projet. Au début j’ai peut-être eu un peu peur… mais ça t’empêche d’avancer et de faire les choses à 100%. Je pense que c’est important de ne pas faire les choses à moitié.
Est-ce que tu as fait de belles rencontres depuis l’ouverture de Etsi ?
Oui, j’ai fait de très belles rencontres et Jules en fait partie ! On travaille tous les jours ensemble donc c’est plutôt sympa. J’ai également travaillé avec Mathieu Blet qui vendait des vins Grec. Ça a été un coup de foudre direct et c’est devenu un ami proche.
De manière générale, je fais des supers rencontres par le biais de mes fournisseurs et c’est formidable. Je me rends compte que c’est passionnant d’être entourée par toutes ces personnes que tu vas ensuite mettre à l’honneur dans ta cuisine.
Est-ce que tu vas en Grèce pour choisir tes produits ?
Ce qui est génial c’est que Etsi m’a poussée à aller à la rencontre de ma culture et à l’interpréter ici dans mon restaurant. Il y a tout le travail de recherche de produits qui est très intéressant. J’ai fait pas mal de séjours en Grèce dans des endroits que je ne connaissais pas forcément. Avec Jules, on s’intéresse beaucoup au vin grec. On rentre d’ailleurs d’un séjour de 10 jours pour visiter des vignobles que l’on représente chez Etsi. Tu goûtes des produits, du vin, tu harmonises tout ça… et tu rencontres surtout des gens qui aiment ce qu’ils font, c’est vraiment génial ! On a envie d’aller encore plus dans cette direction. Ça n’est pas évident, ça veut dire s’absenter du restaurant plusieurs jours de suite mais j’ai plein d’idées et d’envies… Comme je le disais tout à l’heure, on est vraiment dans une phase de réflexion.
Mikaela & Jules, dans les vignobles en Grèce
Quelles sont les femmes qui t’inspirent au quotidien ?
J’ai rencontré cette cheffe franco-brésilienne, Alessandra Montagne, avec qui j’ai fait une interview croisée pour ELLES CUISINENT de Vérane Fériani. Elle a le restaurant Tempero dans le 13ème à Paris. C’est une femme qui a une énergie folle. Tu l’écoutes parler et tu te dis que tu aimerais bien être comme elle. Actuellement on parle beaucoup de son restaurant et de sa cuisine. Avec une personnalité comme la sienne, tu sais que ce qu’il y a dans l’assiette ne peut être que de l’amour ! C’est une rencontre qui m’a beaucoup marquée. Je pense souvent à elle ces derniers temps.
Mais j’ai surtout envie de prendre un peu de temps pour aller découvrir d’autres personnes qui vont m’inspirer. Pas forcément des restaurateurs ou des chefs d’ailleurs. Je n’ai jamais fait de grands voyages en mode baroudeuse et depuis peu j’ai envie de voyager. Je suis partie au Japon à Noël et 10 jours au Cambodge cet été Ça m’a ouvert l’esprit, ça m’a rendu beaucoup plus sereine. Je me rends compte que ça me fait du bien d’être seule !
Quelle est ta couleur préférée ?
Je n’aime pas trop parler de couleur mais plutôt de matière… Celle que je préfère, c’est une matière entre la pierre et le marbre. Je pense tout de suite à des rochers bruts comme en Grèce ou à Marseille, c’est magnifique. Je suis fan de la pierre et de son côté brut, j’aurais adoré avoir des tables en marbre !
Restaurant ETSI – 23 rue Eugène Pierre, 75018 Paris
Nous avons dégusté des petites assiettes de beignets d’aubergine, du tarama, des frites à la feta, le tout accompagné de vin naturel grec… Tout était délicieux, bien présenté, sans chichi ! Une très belle adresse qu’il serait dommage de ne pas partager.
Par Fanie / Bleu électrique, Elles créent