28 mai 2019
Crédit : Manoush
Nous avons rencontré Frédérique Trou-Roy, la créatrice de la marque Manoush : le bohème chic par excellence ! Frédérique nous a accueillies avec beaucoup de douceur dans son studio de création foisonnant et coloré. L’histoire de Manoush a commencé en 2002 lorsque Frédérique a rapporté de Marrakech des paniers chinés dans les souks pour les customiser avec des paillettes, des rubans, des fleurs… Ce fut le déclic et un succès immédiat. Frédérique a depuis créé une ligne de vêtements et d’accessoires haut de gamme que l’on reconnaît immédiatement grâce à leurs motifs colorés, au travail des broderies et des paillettes. Elle a ouvert des boutiques à Paris, à Deauville, à Cannes, à Saint Tropez et partout dans le monde, pour nous faire partager ses influences orientales, rétro, joyeuses et résolument féminines.
Qu’est-ce qui vous faisait rêver lorsque vous étiez enfant ?
J’aimais déjà beaucoup la mode, mais je ne savais pas ce que j’allais faire. Je n’avais aucune idée de ce qu’était le métier de styliste. Mes grands-parents étaient fourreurs, il y a donc toujours eu à la maison des cahiers de tendances et un regard sur la mode. Ma mère n’achetait pas de vêtements luxueux mais elle attachait beaucoup d’importance à la manière de s’habiller. Elle avait une machine à coudre et, petite, je cousais déjà des vêtements pour mes poupées. J’étais très solitaire, je passais beaucoup de temps à regarder les tissus et à dessiner des robes. On habitait à la campagne et c’est vrai que mon rêve c’était d’aller à Paris ! C’est drôle car récemment des amies d’enfance m’ont envoyé des dessins de robes que je griffonnais déjà pendant les cours de maths et de physique, des disciplines qui ne m’ont jamais intéressée… Après le lycée, j’ai passé un diplôme technique du vêtement puis j’ai étudié à Esmod.
Vous avez créé Manoush après un séjour à Marrakech. D’où vous vient ce goût pour les voyages ?
Même si c’est vrai que mon père me disait toujours qu’il fallait voyager et explorer le monde, je ne dirais pas que j’ai le goût des voyages. Après la séparation de mes parents, mon père a beaucoup voyagé au Maroc et j’ai passé beaucoup de temps avec lui dans ce pays, dans des conditions assez difficiles parfois car on roulait en 4X4 pendant des heures dans le désert. En 2002, je suis retournée là-bas lorsque mon père est décédé car ses cendres ont été déposées à Essaouira où il projetait de s’installer. C’est lors de ce voyage que j’ai été complètement séduite par tout ce qui se trouvait dans les souks, toutes les perles, les couleurs, les savoir-faire… En fait, je voulais acheter un panier et c’est en cherchant ce fameux panier que tout a commencé. J’ai créé la marque au Maroc après avoir travaillé pendant 10 ans chez Morgan. J’ai vécu là-bas, j’avais une vie un peu solitaire, j’habitais à côté d’une ferme loin de la ville, mais je m’y sentais chez moi plus qu’en France. Puis j’ai adopté ma fille et, pour des raisons de visa, je n’ai plus eu le droit d’y aller pendant quelque temps.
Que représente aujourd’hui pour vous le mot « bohème » ?
Je pense que c’est une façon de vivre liée à la jeunesse car en vieillissant on vit différemment. Ma vraie vie de bohème je l’ai eue au Maroc. A l’époque, mon atelier se trouvait dans le quartier industriel et je rentrais chez moi en mobylette sans casque les cheveux aux vents avec le chef d’atelier assis derrière moi. C’est lié à une insouciance, aux voyages, à un mode de vie assez simple. Il y a une certaine nostalgie que j’apprécie beaucoup dans ce mot. Mais cela existe encore : dernièrement j’ai fait la robe d’une jeune femme pour son mariage à Marseille et j’y ai retrouvé un peu de cette jeunesse bohémienne.
Lookbook Printemps Été 2019
Crédit : Manoush
Quelles sont les femmes qui vous inspirent ?
J’ai toujours été raide dingue de Vanessa Paradis. Au début de la marque, certains journalistes titraient « Manoush ou la chambre de Vanessa Paradis ». Elle portait d’ailleurs mes robes. J’aime beaucoup cette fille car elle incarne à mes yeux une légèreté et un esprit bohémien qu’elle a d’ailleurs su garder en vieillissant.
J’ai aussi toujours été très inspirée par les icônes des années 70 comme Brigitte Bardot avec qui je partage la passion des animaux ou encore Romy Schneider que j’adore. La période Seventies m’inspire énormément et je remarque que les jeunes filles d’aujourd’hui sont encore très influencées par cette mode.
Quels sont les savoir-faire artisanaux et les tissus que vous affectionnez le plus pour la création de vos vêtements ?
Aujourd’hui, le tissu est devenu extrêmement cher. Une styliste est donc obligée de faire des concessions. Par exemple, j’adore la soie mais il est aujourd’hui compliqué d’en produire. En plus, certaines personnes vegan refusent ce type de matière, ce que je comprends.
J’aime les broderies, les matières naturelles brodées, je suis toujours sous le charme d’un joli coton brodé. Mais je dois désormais aussi me restreindre pour ce type de travail manuel. Avant, je proposais des broderies faites main immenses avec des peintures à la main… c’était accessible, mais ça n’est plus tellement le cas. Alors je continue à mettre en valeur le travail artisanal mais avec des motifs plus petits.
Lookbook Printemps Été 2019
Crédit : Manoush
Vous avez un univers très coloré, quelle est votre couleur fétiche ?
J’aime toutes les couleurs, je peux tout porter. En tant que styliste, je crois qu’il ne faut jamais dire qu’on n’aime pas une couleur car toutes les couleurs sont utilisées au fil des saisons. J’ai toujours aimé le rose, j’ai une grande passion pour cette couleur qui est donc rentrée dans les mœurs de la maison Manoush.
Sur la dernière collection été, j’ai aussi beaucoup travaillé le miel, qui est une couleur magnifique.
Il y aussi le rouge coquelicot qui est une couleur assez parfaite pour moi : on la voit dans les champs et ça flashe ! Les couleurs sont finalement très liées aux fleurs, aux émotions, aux odeurs… J’ai une grande passion pour les roses, j’en cultive beaucoup dans mon jardin.
Quels sont vos livres coup de cœur ?
Dans mon panier, j’ai le livre de Satish Kumar qui écrit sur l’écologie spirituelle. C’est un sujet qui m’intéresse beaucoup en ce moment, je réfléchis au fait d’apporter plus de spiritualité dans ma vie et mon travail. J’aime aussi Aymeric Caron car, comme je ne mange pas de viande, l’antispécisme est un sujet qui me touche particulièrement.
Aujourd’hui, Manoush n’utilise plus tout de fourrure, mais j’utilise de la laine et de la soie qui sont des matières issues des animaux. Il est donc intéressant pour moi de réfléchir à la façon de faire évoluer la marque et de participer à ce mouvement.
Par Estelle / Elles créent, Mauve Bohème